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  • Photo du rédacteurSwanee

Cher Canard



Libérée de mes contraintes de pigiste, et forte du soutien de mes proches, cette couverture, parue en avril 2022, sera le départ de certaines de mes publications. Je trouve que la photo et le titre illustrent bien notre conception de la lutte contre le racisme en France. La rédaction de 200 n'est à priori pas raciste. Si j'étais persuadée qu'elle l'était, je m'y serais prise autrement pour leur exprimer mon sentiment. N'empêche que malgré mes remarques, ils ont fait d'une image tristement et historiquement connotée, la une de leur #32.


Jusqu'à en oublier le sens.

Je n'ai jamais autant ressenti dans une communauté, ce soucis de l'image, de l'esthétique, du paraître, jusqu'à en oublier le sens. Jamais. Peut être parce qu'avant je n'y faisais pas attention. Assortir ses chaussettes à son maillot, mettre hors cadre ceux qui font "tâches", aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Mais il faut croire que j'étais sourde et aveugle tellement je me sentais chanceuse de faire partie de l'équipe. Sacré laboratoire que le monde du vélo, autrement, ou pas. Le directeur artistique de 200, sur cette couverture, s'est mis en scène au milieu d'écoliers Rwandais. Il aurait pu recadrer, et faire en sorte de ne pas se retrouver au centre, choisir peut être l'instant d'après, quand il descend de son vélo pour distribuer des bonbons aux enfants! Tout ce temps passé à s'appliquer, sans jamais remettre en cause la pertinence de son travail, sans jamais s'interroger sur les droits à l'image! N'aurait-il vu que l'harmonie des couleurs entre sa tenue et celle des enfants? L'éditeur, fort de son professionnalisme, a validé le bon goût de son employé, en qui, je n'en doute plus, il a entièrement confiance.


Non, la situation ne s'améliore pas.

Le racisme, en France et en Europe, s'exprime le jour des élections, dans l'intimité des isoloirs. Les résultats parlent. Pourtant sur ma page Facebook, on me tire les oreilles dès que j'ose aborder le sujet. Et on me gratifie d'une vérité fictionnelle désespérante, voir exaspérante. Je ne suis en effet pas une spécialiste, mais je pense me questionner plus que la majorité de ceux qui me lisent. Non, la situation ne s'améliore pas. Non, le racisme n'est pas en baisse. Ce n'est pas Swanee Ravonison qui le dit, mais des études. Alors quoi? C'est rassurant d'affirmer l'inverse quand tout vous prouve que vous avez tort? Je ne suis pas une militante, mais il se trouve que je suis une femme noire, issue d'un milieu plus que modeste. Alors oui, je suis soucieuse du monde que mon fils va hériter, et préoccupée par la manière dont il va pouvoir l'habiter. Car il va forcément être confronté au racisme. Il est blanc, et peut passer au travers comme la plupart d'entre vous, et ne pas se sentir concerné. Ou, il peut choisir de ne pas le tolérer parce que je suis sa mère, parce que le racisme est profondément injuste, et qu'on se doit de réagir quand nous en sommes témoins, sauf si notre sécurité est en danger.


Elle fera plaisir au nostalgique du colonialisme.

Je ne me sens pas en danger quand je critique la couverture du #32 de 200. Je risque juste l'impopularité, face à des lecteurs essentiellement blancs. Je ne pensais pas que ça me coûterait ma chronique, ma place dans la rédaction et autant de mépris. Je l'ai fait parce que je suis intimement convaincue qu'elle ne porte pas un message d'équité. Que véhiculer des clichés aussi négatifs, encourage les préjugés sur les gens racisés. J'aurais aimé discuter avec 200 de mon point de vue. Argumenter si nécessaire, pour qu'ils prennent une décision plus consensuelle. Au lieu de cela, ils m'ont imposé leur choix, qui induisait qu'il était aussi le mien! Le comble quand on lit ma chronique de ce même numéro..... C'était violent, de découvrir cette couverture. Violent, de comprendre que mes remarques, ma gêne, n'avaient pas été prises en compte. Violent, ce blocage qui a empêché tout débat. Violent, les réponses des auteurs, pleines d'arrogance, d'agressivité et de mauvaise foi. Violent, ce silence après la publication et la mise en kiosque. J'ai écrit sous la photo de la couverture que je découvrais comme vous sur Facebook, "Elle fera plaisir aux nostalgiques du colonialisme". Commentaire rapidement effacé. Mais d'autres ont parfaitement illustré mon propos, "ils n'ont rien et ils donnent tout".... "ils sourient malgré qu'ils sont pauvres", à vomir.


Le racisme n'est pas l'affaire des victimes. Ceux là n'ont aucun poids, n'ont pas droit à la parole, ils sont invisibles. Souvent, ils ont des situations précaires, n'ont pas de loisir, pas d'endroit pour s'exprimer, d'oreilles pour les écouter. Ils font peur quand en plus ils sont vieux et pauvres.... J'ai bientôt 50 ans. Je me sens de moins en moins en sécurité dans un pays qui s'indigne si peu face à l'injustice. Jeune, je me battais, physiquement, aujourd'hui en plus de craindre la réaction des autres, je crains la mienne. J'ai vécu récemment des situations qui m'ont montré qu'une limite a été passée. L'idéologie extrémiste a largement débordée des isoloirs..... elle est violente et agressive.


Il faut s'attendre à une réaction.


Des chiffres




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Préjugé de couleur et colonisation










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